C'est la seule qui enjôle. Les autres de plus en plus longues, de plus en plus insistantes, n'apportent que chaleur et rougeurs, une irritation cuisante. La dernière, peut-être, retrouve, avec la fin du martyre ; un semblant de consolation…

Mais la première caresse ! Caresse ? Ça commence bien avant la joue. Posé au-dessus des lèvres, le frais du métal, suivi du petit clic déclenchant la berceuse des lames. Et puis lentement ce premier contact, maternel ! Sous la base du nez un mouvement régulier, léger, et le doigt qui glisse sur la peau tout de suite bien lisse.

Et puis c'est parti : sur la joue gauche d'abord, jusqu’à l'oreille ; une surface idéale, plane, qui glisse en silence. Le poil, docile, disparaît facilement sous les têtes affairées qui s’échauffent. Puis, la joue droite, demande son dû. Le rasoir ronronne, il sait déjà. Tout le meilleur est coupé.

On lève la tête et on louche même un peu dans ce miroir de l'armoire de la salle de bain. Ce menton au poil revêche, dur comme de la paille on aimerait pouvoir l'amadouer, le dompter, répéter le miracle. Mais, le rasoir passe et repasse, suant, chauffant. Les têtes cherchent à épouser ce contour anguleux, et on le voit, inquiet, s'empourprer à leur contact.

Mais ce n'est rien. Plus bas, le cou est un calvaire. On aimerait tendre le cuir, le rendre ferme, que le poil dressé, s'offre au rasoir. Mais, il se cache et s'enfonce dans les plis. Malmenée, martyrisée, le derme s'embrase de points vermillons, coupures douloureuses. Le rasoir s’énerve, éradiquant les poils rebelles avant de s’arrêter, épuisé.

Enfin un soulagement : la caresse d'une main fraîche, apaise le feu du rasoir.

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